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diumenge, 17 de maig del 2020

Ça se termine

Ça se termine. Tu ressens tout de même le gout amer de la déception car pour l’instant tu n’es pas parti et tes sentiments sont encore pris en otage dans ses domaines. Tu fais bilan et penses que, malgré tout, on a fini par t’accueillir et il est bien vrai que tu peux témoigner ce fait maintenant, avec pas mal de documents officiels. Sous tes yeux t’as un tas de papiers avec tout le temps le drapeau, tout le temps la devise, tout le temps le tampon. C’est ça, t’es bien tamponné, marqué partout comme les taureaux avec d’accusés et de recommandés. On ne va pas trop dramatiser avec un happy end mais on peut bien dire que ça a été folklo, le début. Des mois et des mois en train d’enchainer des rendez-vous, des formalismes et des formalités, et entretemps, merci bien à tes quelques billets -d’argent, bien sûr-, ta pièce d’identité et, pour les plus chanceux, ta carte bancaire d’origine, colorée mais pas tout à fait bleue donc jamais trop sûr que ça marchait toujours. Avec ces trois trucs t’as pu te procurer un simple lit d’abord, puis après peut-être on a rajouté une fenêtre, même en face des voies ferrées. Des rendez-vous se sont poursuivis ensuite, des rendez-vous où fallait tout démontrer, se dépouiller, montrer les poches en sens propre ou sens figuré, tant pis ; au bout d’un moment, après l’énième vis-à-vis, la timidité disparaît, force oblige. Combien tu gagnes ou tu vas gagner, combien d’enfants tu as, si tu en as, déjà ici ou encore chez toi. Êtes-vous célibataire, marié, divorcé ou pacsé ? -Trompé-, que t’avais envie de dire. -Trompé d’avoir décidé de venir ici-, que tu pensais tandis que t’apprenais à leur sourire pareil que ce sourire social qu’ils t’adressaient à leur tour dans ces rendez-vous mais aucun, aucun sourire jamais de la vie dans la rue. Dans la rue, et même en se croisant aux étroitesses ou aux ascenseurs, on ne se salue à peine. Pas fini le rendez-vous, maintenant ils souhaitent connaître aussi si tu bosses. Si non, au moins si tu veux bosser, si tu en as l’envie. Si oui, où est-ce que tu bosses ou tu vas bosser, chez quelle boîte et quel type de contrat. -Et ben, un contrat de travail, voilà, non ? - . Ça te saoule…Ils veulent tout savoir et en plus, ils croient que tu sais absolument tout, même des choses sur lesquelles tu n’as jamais entendu parler comme des acronymes à la con et une liste interminable d’organismes. Des tas de questions et des jours vides au milieu en attendant la résolution de tous ces rencontres de fou qui te font penser si tu avances dans la vie ou bien tu recules, pour ne pas dire qu’on va droit dans le mur. Si tu as bien rêvé avant de venir ici, c’est effectivement le bon endroit pour subir tout type des rêves, des fantaisies à la mode, des mascarades, des cauchemars pour commencer, en tout cas. Bref, encore toujours vivant mais oui, ça fut la Bérézina, les débuts. Le prix à payer a été presque la perte d’estime de soi mais du coup, ce tas de documents t’octroient une valeur inattendue ; tout de coup tu es devenu citoyen de plein droit avec tout ce qui va avec, au moins en théorie. En pratique ça va dépendre de ta peau, tes yeux et plein d’autres traits morphologiques qui peuvent attirer l’attention des autorités, autoritaires ou non, ça dépend de ta réaction lors d’une éventuelle verbalisation. Cela, tout de même, ce sont de cas particuliers, pas du tout représentatifs d’une façon de faire, pas besoin d’être injustes avec ceux qui te donnent le droit de vivre chez eux. Et pourtant, habillée soit de gentillesse chic et un bon job soit de brutalité et coups de bâton, la vie longtemps à l’étranger n’est que pour les gens chevronnées. Ça va être le vice ou la vertu qui t’annoncera, une fois tu as osé enfin de te détendre un peu et vivre enfin comme eux, que tu n’es pas chez toi. Et c’est ouf, car il se peut que personne ne te l’a encore dit, c’est juste toi qui te le dis, de plus en plus fort. Ne vas pas juger les autres quand le problème c’est toi. -Tu n’es pas chez toi, tu n’es pas chez toi…-, ça martèle, ça fonce, ça crève, ça gèle…Entretemps tu ne te rends pas compte mais t’as perdu quelque lien, peut-être ton nom de famille ou un des deux, par le chemin. Tu ne te retrouves plus que lors des congés ou départs au bled forcés à l’arrache, devenus au même temps loi de survie et loi d’esclavage, avec des coups de blues de genre opiacés à chaque retour. La vie quand-même ce n’est pas ça, tu le sais, la vie c’est de tâcher à se lâcher de temps en temps, de respirer, de se tromper ainsi aussi et n’avoir pas à demander pardon ni excusez-moi. Et oui, même si la faute c’est à toi, t’as bien compris que ce n’est pas là-bas que tu vas réussir à regagner ta paix ni ta voix. Faut que tu t’en aies et un point c’est tout. Merci beaucoup, à bientôt et bye-bye la grisaille !

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