Total de visualitzacions de pàgina:

dimecres, 15 de gener del 2020

Ici les gens ne sont pas contents

Je n’ai fait que sortir dans la rue que j’ai du mal à respirer. J’aimerais bien constater que c’est juste à cause de l’air pollué de cette ville poussière mais, par contre, je monte les marches de mon angoisse une à une dès que je vois qu’on ne peut pas attribuer mon étouffement tout simplement au pic de pollution mensuel. Peut-être qu’il n’y aura pas non plus une solution à court terme pour me détendre. Va falloir donc s’y adapter, respirer plus court et plus souvent. Faudra aussi comprendre que, en quelque sorte, je ne suis pas le seul à vivre étouffé car je ressens une sorte de ballonnement collectif pour ne pas dire directement, de l’empoisonnement. Définitivement, ici les gens ne sont pas contents. Pourtant, ma pensée apocalyptique s’arrête soudainement dès que je reçois un coup de klaxon qui semble procéder d’un bateau de croisière alors que je me trouvais juste en train de traverser un passage piétons d’un boulevard quelconque en face d’un gros camion qui m’a rendu sourd et pire que ça. J’ai dû fermer les yeux et arrêter le pas tout de suite, pour ne pas tomber par terre et me casser la figure, pendant que je combattais la frappe que mon tympan venait d’encaisser en recommandé avec accusé de réception. Ce n’est que quelques secondes après où j’ai pu me reconnaître à nouveau au beau milieu de ce passage clouté, avec le feu retourné au rouge et voilà encore des nouveaux klaxons de voitures et des motards qui m’entourent et menacent à dégager une fois pour toutes, putain, bordel. Quelques secondes après, déjà sur le trottoir, je cherche mais n’arrive pas à comprendre le pourquoi d’une telle excitation des chauffeurs pour franchir ce passage et continuer la route, tout cela pour finir par s’arrêter à nouveau quelques mètres plus tard, notamment pour ce camion hors gabarit probablement perdu et objet d’une amende, auquel si je pourrais dénoncer bien sûr que je le ferai mais non, je n’ai aucun besoin de réagir comme ça, en fait, réagir comme on fait ici d’habitude et sans hésitation. Ils aiment d’avoir toujours raison dans sa dynamique de précipitation et d’importance en soi où le temps et l’argent et si tu ne montes pas dans la roue de la fortune, désolé et garde ta malheur pour toi, laisse-nous tranquilles ou, encore mieux, merci de quitter la ville, la campagne est vaste, que j’ai l’impression qu’on me convie à faire depuis là-haut de sa tour emblématique. T’as plus d’un trentaine de portes pour fuir ainsi en toute liberté, égalité et fraternité pendant que le poids de l’état t’accompagne dans ce trajet extramuros afin que tu comprennes que la théorie de Darwin, si elle est faite pour quelqu’un, elle est faite pour eux, que ce sont eux les seuls capables de tenir debout et aimer cette ville délire comme des fous, des fous d’argent dans la poche qu’il faut pour n’avoir que cette seule folie d’amour et aucune des autres folies comme les pénuries, plus communes dans le reste de communes d’un état qui rêve encore fébrile à une grandeur sagement exportée mais pas du tout épargnée et distribuée. On trouve ainsi une laïcité devenue athéisme dépourvu de tout engagement personnel, de toute épreuve, de toute remise en question. Et maintenant, qu’est-ce qu’on a à faire? Me klaxonner dans l’oreille jusqu’à me rendre sourd comme un pot, voilà, le résultat de ne pas savoir quel-est ton rôle dans une ville que tu n’arrives pas à digérer, héritage des tendances globales financières les plus létales mais aussi de la théorie française versant sur une interprétation de la réalité postmoderne qui a tourné vers cette hypermodernité malade qui ose de nous traiter comme des robots avec la fragmentation de l’individu, le culte exagéré au quantitatif, aux études, aux chiffres, aux statistiques qu’on regarde dans les journaux télé de désinformation en continu et discontinu, je m’en fous. Non, vraiment non ici, les gens ne sont pas contents. Encore dans la rue, on se croise les regards juste pour constater que notre voisin ne va pas trop mieux que soi-même, ça soulage, ouais, drôle de sentiment en nous conviant à continuer par cette voie de chiffres, de cases à cocher, de saluer sans se saluer en fait, de falloir que ça aille dans la plus belle ville du monde qu’on dit selon les études, les chiffres et les statistiques. Et peut-être que je t’écris comme ça, ville lumière, étouffé et anxieux, car je veux encore te vivre à fond et je ne comprends pas du tout, au-delà des vieilles jolies chansons, ce que tu vends aux gens exactement alors qu’on rêve juste de sortir de la maison et arriver à destination sans se faire klaxonner, insulter, regarder de biais, cogner la voiture dans un bouchon et demander pardon pour avoir voulu vivre autrement, c’est-à-dire, pas fragmenté, pas déshumanisé, pas mathématisé, pas en cumulant du stress. Vivre normalement est oui, moi aussi maintenant je dis: putain, bordel!